Damien ne m'a même pas regardée. Il a grogné un ordre qui a paralysé mon corps et m'a volé ma voix, m'ordonnant de disparaître de sa vue pendant qu'il la berçait dans ses bras.
Il l'a installée, elle et son fils, dans notre suite principale. J'ai été reléguée dans la chambre d'amis au bout du couloir.
En passant devant sa porte ouverte, je l'ai vu bercer son bébé, fredonnant la berceuse que ma propre mère me chantait.
Je l'ai entendu lui promettre : « Bientôt, mon amour. Je romprai le lien et je te donnerai la vie que tu mérites. »
L'amour que je ressentais pour lui, le pouvoir que j'avais caché pendant quatre ans pour protéger son ego fragile, tout s'est transformé en glace.
Il pensait que j'étais une épouse faible et sans pouvoir qu'il pouvait jeter. Il était sur le point de découvrir que la femme qu'il avait trahie était Alix de Valois, princesse de la famille la plus puissante du continent.
Et je rentrais enfin chez moi.
Chapitre 1
Point de vue d'Alix :
Pendant ma grossesse, mon mari m'a trompée avec une autre femme.
Ma main tremblait. L'eau dans le verre a débordé sur mes doigts. Froid. Une sensation vive et désagréable sur ma peau. J'ai posé le verre sur le comptoir en marbre, le souffle coupé.
De la grande salle en bas, les bruits de la fête montaient jusqu'à moi – une vague de rires et d'applaudissements pour un enfant qui n'était pas le mien, pour une femme qui n'était pas moi.
Une voix, chaude et familière, a résonné dans les coins silencieux de mon esprit. C'était ma mère, Sophie, sa conscience m'atteignant à travers des centaines de kilomètres. Le lien mental, un don du sang des de Valois, était un fil d'argent qui nous reliait.
*Alix, mon enfant. Que se passe-t-il ?*
J'ai fermé les yeux, appuyant mon front contre la vitre froide de la fenêtre. Je pouvais voir la fête déborder sur la pelouse, les torches éclairant les jardins manucurés du domaine des Dubois. Le domaine de Damien. Ma maison.
*Il organise une cérémonie,* ai-je renvoyé, mes pensées n'étant qu'un murmure douloureux. *Pour elle. Pour le fils de Séréna.*
*Il ose ?* La pensée de ma mère était tranchante, empreinte de l'autorité de la matriarche des de Valois. Le Milieu la connaissait sous le nom de la Main d'Argent, une femme dont l'influence était aussi vaste et profonde que l'océan. La famille Dubois, en comparaison, c'étaient des nouveaux riches, une tempête bruyante et violente à la surface.
*Il pense que c'est le fils d'un soldat tombé au combat,* ai-je expliqué, le mensonge ayant un goût de cendre dans ma bouche. C'était une fiction commode que Séréna avait inventée, une histoire que Damien avait gobée sans réfléchir. *Il pense faire preuve de loyauté envers ses hommes.*
*Il fait preuve de sa faiblesse,* a corrigé Sophie, sa voix comme un baume sur mes nerfs à vif. *Un Patriarche aveuglé par un joli visage et une histoire triste n'est pas un vrai Patriarche. La famille de Valois ne traite pas avec la faiblesse.*
Le poids du collier en pierre de lune que je portais semblait lourd sur ma poitrine. C'était un héritage familial, gravé du sceau du Loup Blanc, destiné à atténuer ma propre aura, à cacher la véritable puissance de ma lignée pour ne pas froisser l'ego fragile de mon mari. Je l'avais porté pendant quatre ans, diminuant ma propre lumière pour que la sienne puisse briller plus fort.
Pour Damien.
*Je sais, Maman. J'ai fait une erreur.* L'aveu était une douleur physique, une contraction dans ma poitrine qui m'empêchait de respirer. J'avais cru en lui. Je l'avais aimé. Quand nous nous sommes rencontrés, ce n'était pas juste un mariage arrangé ; c'était une étincelle, une attraction si forte qu'elle ressemblait au destin. Il sentait le cuir, la poudre à canon et quelque chose de sauvage, quelque chose qui appelait le loup dans mon sang.
Il m'avait promis la loyauté. Il avait prêté serment. *La Suprématie de la Loyauté* est la première loi de notre monde. La parole d'un Patriarche est son engagement, sa famille sa force.
*Ce n'était pas une erreur d'aimer, Alix. C'est son erreur de l'avoir trahi,* la voix de ma mère était ferme. *Tu es une de Valois. Tu es la véritable héritière. Tu n'es pas une victime. Maintenant, dis-moi. Qu'as-tu décidé ?*
*Je le quitte.*
La pensée était une lame, et pendant un instant, la douleur fut si vive qu'elle me coupa le souffle. Puis, elle a disparu, laissant derrière elle un vide froid et net. C'était fait. L'amour avait été vidé de moi, ne laissant que le devoir. Le devoir envers mon nom. Le devoir envers mon fils.
*Bien.* L'approbation dans sa pensée était un bouclier autour de mon cœur. *Mes soldats attendent au-delà de la limite du territoire. Tu ne seras pas seule un seul instant.*
J'ai coupé la connexion, la présence réconfortante de ma mère s'estompant. Le silence qui a suivi était absolu.
Depuis ma place dans l'ombre de la galerie supérieure, je l'observais. Damien Dubois, mon mari, le chef du Syndicat du Rhodium, tenait le petit garçon en l'air pour que la foule le voie. Séréna se tenait à ses côtés, sa main possessive sur le bras de Damien, un sourire triomphant aux lèvres. C'était une paria, une étrangère qu'il avait fait entrer dans notre famille il y a un an, et elle avait systématiquement empoisonné chaque partie de ma vie.
La foule a acclamé. Ils acclamaient le bâtard d'une inconnue pendant que moi, la mère du véritable héritier Dubois, je restais cachée et oubliée. Je pouvais sentir leurs pensées, une marée trouble de chuchotements et de suppositions. Ils croyaient à ses mensonges. Ils me voyaient comme l'épouse froide et stérile, jalouse de la maîtresse fertile.
J'ai senti un coup de pied, un petit battement rassurant de l'intérieur. Mon fils. Notre fils.
Mes yeux ont croisé ceux de Damien à travers la salle bondée. Il riait, ses yeux sombres se plissant aux coins de cette manière qui me serrait le cœur autrefois.
Puis, j'ai senti une autre connexion s'ouvrir, pas la mienne. C'était son conseiller, Vincent, ses pensées un murmure inquiet dirigé vers son Patriarche. *Damien, c'est insensé. Alix...*
La réponse mentale de Damien fut une vague d'irritation dédaigneuse. *Alix comprendra. Elle connaît son devoir.* Il a levé les yeux vers la galerie, son regard balayant les ombres, et un ordre froid a jailli de son esprit, destiné uniquement à Vincent. *Je m'occuperai d'elle plus tard. Je vais la rejeter publiquement demain. Il est temps de faire de Séréna ma compagne officielle.*
Les mots m'ont frappée comme un coup physique. Le rejet. Ce n'était pas juste un divorce. Pour notre espèce, c'était une rupture de l'âme, un acte brutal qui me laisserait brisée et bannie.
Il n'oserait pas. Les lois ancestrales l'interdisaient tant que je portais son héritier.
En bas, certaines femmes bavardaient, leurs pensées comme de petites aiguilles acérées. « Elle n'a nulle part où aller. Enceinte et seule ? Damien la gardera dans les parages, mais Séréna est l'avenir. »
Un feu glacial a pris naissance dans mon ventre, consumant les dernières traces de douleur. Il a forgé quelque chose de nouveau en moi. La force. La résolution.
Ils pensaient que je n'avais pas le choix. Ils pensaient que j'étais piégée.
J'ai posé une main sur mon ventre, une promesse silencieuse à mon fils.
Ils étaient tous sur le point de découvrir à quel point ils avaient tort.